La presse fait régulièrement état de situations opposant des locataires ou propriétaires aux squatteurs de leur domicile. Les procédures encadrant l’évacuation ou l’expulsion de ces occupants peuvent s’avérer particulièrement complexes à mettre en œuvre poussant, dans les cas les plus extrêmes, les propriétaires à céder leur bien immobilier pour assumer le coût des frais engendrés par une telle situation (ex : frais d’hôtel, de procédure ou encore la remise en état de l’immeuble squatté, etc.).
Face à l’effervescence que suscitent ces situations, le législateur a souhaité rééquilibrer le rapport de force en apportant davantage de souplesse dans la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée des occupants sans droit ni titre telle qu’elle résulte de l’article 38 de la loi DALO[1]. En principe, lorsque les conditions nécessaires à son exercice sont réunies, cette procédure permet au justiciable de regagner son domicile plus rapidement que s’il optait pour la procédure d’expulsion judiciaire de droit commun.
Au préalable, il convient de qualifier juridiquement la notion d’occupant sans droit ni titre (ou de squatteur). L’article susvisé donne une définition claire de cette notion en considérant qu’elle concerne toute personne qui s’introduit ou se maintient : « dans le domicile d’autrui qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale ou dans un local à usage d'habitation, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte ».
I. L’extension de la procédure aux logements vides
Traditionnellement, la loi DALO exigeait du demandeur souhaitant déclencher la procédure d’évacuation forcée qu’il démontre au préalable que le logement squatté constitue son domicile. La notion de domicile est interprétée par la jurisprudence pénale comme tout :« lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux[2] ».
Un premier assouplissement de la procédure est opéré dans la réforme du 7 décembre 2020[3] qui prévoit l’extension de la procédure d’évacuation forcée aux logements qui ne constituent pas la résidence principale du demandeur. En d’autres termes, le législateur a souhaité étendre le bénéfice de cette procédure aux demandeurs souhaitant déloger des squatteurs de leurs résidences secondaires ou occasionnelles.
Poursuivant cette même logique de désenclavement de la procédure d’évacuation forcée, la loi du 7 juin 2023 a étendu la portée de cette procédure à :« tout local à usage d’habitation ». Un tel élargissement du périmètre de cette procédure permet finalement d’inclure les logements vides dans le champ d’application de cette mesure. Cela n’est pas sans conséquence, désormais il résulterait des nouvelles dispositions de l’article 38 de la loi DALO qu’un demandeur pourrait avoir recours à la procédure d’évacuation forcée pour déloger des squatteurs :
- D’un logement vide ;
- D’un bien inclus dans une succession en cours ;
- D’un logement en cours de vente
- D’un logement vide entre deux locations ;
- D’un logement dont les travaux viennent de s’achever lorsque le propriétaire n’a pas encore emménagé.
II. L’actualisation de la procédure d’évacuation forcée
- 1e étape, le dépôt de plainte
En vertu des aménagements apportés par la réforme du 27 juillet 2023, il ressort que l’étape préliminaire au déclenchement de la procédure d’évacuation forcée réside dans le dépôt de plainte du demandeur. Compte tenu des enjeux stratégiques qui gravitent autour de cette plainte (notamment en termes de qualification pénale), nous vous conseillons de prendre attache avec un avocat pour vous assister dans sa rédaction ainsi que dans le suivi de la procédure pénale qui en découle.
En outre, le demandeur doit, d’une part, être en mesure de démontrer que le logement occupé constitue son domicile ou tout au moins sa propriété, et d’autre part, procéder au constat de l’occupation illicite par un OPJ, le maire compétent ou un commissaire de justice. Par souci de réactivité, le cabinet conseille à ses clients de privilégier l’exploit d’un commissaire de justice pour procéder à ce constat.
Précisons également qu’en cas de difficulté relative à la démonstration du droit de propriété sur les lieux occupés (notamment lorsque cette démonstration nécessite de pénétrer dans le logement squatté pour y récupérer des preuves), il sera possible au demandeur d’obtenir du préfet territorialement compétent qu’il saisisse l’administration fiscale dans un délai de 72 h pour établir son droit de propriété.
- 2e étape : la saisine du préfet pour la réalisation de la mise en demeure
Le propriétaire ou locataire lésé devra saisir le préfet afin que ce dernier mette en demeure les occupants de quitter les lieux en assortissant sa décision d’un délai d’exécution qui ne saurait être inférieur à :
- 24 heures si le logement occupé est le domicile du propriétaire ou du locataire ; ou
- 7 jours lorsque le logement ne constitue pas un domicile.
Cette mesure devra impérativement tenir compte de la situation personnelle et familiale de l’occupant, étant précisé qu’en tout état de cause, la loi interdit au préfet d’engager la mise en demeure lorsqu’elle contrevient à un motif impérieux d’intérêt général. Un tel obstacle met nécessairement fin à la procédure d’évacuation forcée et contraint le demandeur à recourir à la procédure d’expulsion de droit commun.
Il résulte de ce qui précède que le préfet peut donc souverainement décider qu’il :
1. n’engagera pas de mise en demeure en raison de l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général, auquel cas, il en informe immédiatement le demandeur qui pourra exercer un recours contre cette décision ;
2. accepte d’engager une mise en demeure assortie d’un délai d’exécution qui ne saurait être inférieur à 7 jours compte tenu du fait que le logement concerné ne constitue pas un domicile. Dans cette hypothèse, le squatteur pourra suspendre le délai d’exécution en introduisant une requête en référé conformément aux articles L.521-1 à L.521-3 du code de justice administrative ;
3. accepte d’engager une mise en demeure assortie d’un délai d’exécution qui ne saurait être inférieur à 24 heures compte tenu du fait que le logement concerné constitue le domicile du demandeur. Dans cette configuration, le recours du squatteur ne pourra pas suspendre le délai d’exécution.
En tout état de cause, le préfet ayant engagé cette mesure pourra, à l'expiration du délai d'exécution, procéder à l'évacuation forcée des occupants.
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Maître Alexandre Leclaire pourra, si vous le souhaitez, vous offrir un accompagnement personnalisé pour vous accompagner dans vos démarches judiciaires ou extrajudiciaires.
[1] Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007
[2] Crim., 22 janvier 1997, pourvoi n° 95-81.186, Bull. Crim., n° 31
[3] L. n° 2020-1525, 7 déc. 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi Asap ».